Encadrer le secteur privé pour une contribution réelle au développement – CIDSE

Encadrer le secteur privé pour une contribution réelle au développement

Les investissements privés, auxquels les Etats ont recours de manière croissante pour tenir leurs engagements d’APD, ne contribuent pas toujours au développement, faute d’un encadrement adéquat, selon Catherine GAUDARD, Directrice du Plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire.

Le groupe AFD peut faire avancer cette régulation en imposant des règles plus strictes pour les entreprises bénéficiant de ses financements.

Les Etats s’appuient toujours plus sur le secteur privé pour tenir leurs engagements d’aide au développement, y compris dans le cadre des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Cela facilite l’accès de leurs entreprises à de nouveaux marchés par le biais d’Investissements Directs à l’Etranger (IDE).

Ces IDE peuvent générer des emplois ou favoriser la création d’infrastructures nécessaires au pays du Sud, mais ont aussi des effets pervers. Ils conduisent à une forte déréglementation, qui peut porter atteinte à la protection juridique des personnes. Ils sont souvent centrés sur l’exploitation et l’exportation de ressources au moindre coût, au détriment du développement durable du territoire. Enfin, leur contribution fiscale au budget des Etats du Sud est souvent faible.

Mettre en œuvre les engagements

Au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en juin 2011, le gouvernement français a contribué à l’adoption des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies. La France a fortement contribué à l’insertion de ce cadre dans la version révisée des Principes directeurs de l’OCDE et à sa mention explicite par la Commission européenne dans sa dernière Communication sur le sujet (2011).

Ce cadre impose à l’Etat un devoir de protection des droits humains en lui imposant un devoir de vigilance (due diligence) contre les atteintes que peuvent leur porter les acteurs privés.
Par ailleurs, la France a contribué à la reconnaissance par la communauté internationale de la nécessaire mobilisation des ressources domestiques pour le développement, par la lutte contre l’évasion fiscale.

L’Etat doit veiller à ce que son rôle de promotion du secteur privé dans le commerce international soit compatible avec son devoir de protection des droits humains et sa politique de développement.
Le groupe AFD, dans sa relation financière avec les entreprises, peut jouer un rôle essentiel. L’AFD s’est certes dotée d’un « cadre RSE », fixant des conditions au soutien qu’elle apporte au secteur privé.
Cependant les conditions de respect des droits de l’Homme par les entreprises y sont largement insuffisantes au regard du cadre proposé par les Nations Unies. Aucune procédure solide ne permet à l’AFD ou à ses clients (les entreprises) d’identifier et prévenir les risques d’atteintes aux droits humains dans le cadre des projets qu’elle soutient, ni de mécanismes de réparation pour les éventuelles victimes.
Les exigences en matière de transparence fiscale sont faibles.

Au vu de ces insuffisances, le groupe AFD procède à une révision de ce cadre RSE. Nous saluons cette démarche et formulons les recommandations suivantes :

Pour garantir que l’AFD ne soutienne aucun projet contribuant à des atteintes aux droits humains :

- instaurer des clauses de conditionnalités sur le respect des droits humains et des règles nationales ou internationales en matières sociale, environnementale et fiscale pour les entreprises bénéficiaires de fonds ou les entreprises sous-traitantes de l’État sur les projets financés ;

- évaluer l’impact de toute décision de concession, de privatisation ou d’autre réforme économique sur les droits humains, notamment les droits économiques, sociaux et culturels ;

- encourager la signature d’accords ou de contrats durables, de type séquentiel, prévoyant une renégociation partielle des accords en fonction de l’évolution de la situation politique, au regard du développement durable et du respect des droits humains, dans l’esprit de ce que prévoit la Convention sur la diversité biologique de 1992 ;

- déclarer illégale toute clause de stabilité dans les contrats entre entreprises et Etats qui gèleraient les droits des États quant à l’évolution législative sur la protection des droits humains, l’environnement ou la fiscalité ;

- instaurer des mécanismes de plainte et d’accès à la justice pour les victimes.

Pour lutter contre la corruption et l’évasion fiscale :

- publier des informations plus complètes sur les bénéficiaires finaux des financements et privilégier des entreprises domiciliées dans les PED ;

- demander la publication des contrats, notamment dans le secteur extractif pour les projets financés par des opérateurs publics ou bénéficiant d’une garantie publique, comme le prévoit la SFI ;

- exiger de la part des entreprises financées directement ou par les intermédiaires financiers, la transmission d’informations sur leur structuration légale et leurs propriétaires réels et la publication d’informations comptables détaillées pays par pays (chiffre d’affaire, charges sociales et nombre d’employés, bénéfices et
impôts) ;

- sanctionner les entreprises (ou Etats) impliqués dans des cas de fraude fiscale, de corruption ou d’activité criminelle, ou dans le blanchiment des sommes correspondantes (publication des noms, exclusion temporaire des financements, etc.) ;

- demander aux entreprises de s’engager à ne pas réclamer ou accepter des incitations fiscales, des périodes de stabilité et à ne pas s’installer dans des zones franches.

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