L'Europe et l'approvisionnement en minerais - CIDSE

L'Europe et l'approvisionnement en minéraux

CCFD-Terre Solidair

 

 

 

Téléphones mobiles, ordinateurs, voitures: trois produits de la vie quotidienne contenant des minéraux extra-européens. Les consommateurs connaissent-ils les liens entre conflits et minerais?

Pendant des décennies, le commerce des minerais a joué un rôle central dans le financement et l’alimentation de certains des conflits les plus brutaux au monde. Les revenus du contrôle de ce commerce peuvent donner aux groupes armés les moyens d'opérer. Dans de nombreux cas, ces groupes sont responsables de graves violations des droits humains, telles que des conditions de travail dangereuses et abusives et le travail des enfants.

Il est de plus en plus reconnu que les entreprises européennes actives dans le commerce de ressources naturelles devraient veiller à ne pas contribuer aux violations des droits de l'homme ou aux conflits. La Commission européenne proposera bientôt une initiative législative sur un approvisionnement responsable en minéraux. Le commissaire au commerce, Karel De Gucht, souhaite présenter un «initiative globale de l'UE sur les minéraux provenant de zones de conflit et à haut risque”Avant la fin de la législature actuelle.

L'un des principaux défis de la future initiative de l'UE consiste à s'assurer de son applicabilité sur le terrain. Toute initiative qui ne correspond pas à la réalité et aux besoins locaux n'aura aucun impact positif. Il est primordial que les décideurs soient pleinement informés de la complexité et de la dynamique des situations réelles.

Pour cette raison, les agences catholiques le CCFD-Terre Solidaire (France) et la Commission belge Justice & Paix, en collaboration avec le Réseau européen pour l'Afrique centrale et le Réseau belge sur les ressources naturelles, ont organisé une mission dans la région des Grands Lacs africains début novembre avec des membres du Parlement européen Catherine Bearder (ADLE), Judith Sargentini (Verts / ALE) et Piotr Kaczynski (conseiller politique du PPE).

La mission a été l'occasion pour les eurodéputés de rencontrer divers acteurs locaux au Rwanda, au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC), y compris les archevêques de Bukavu et de Goma, Mgr. François-Xavier Maroy et Mgr. Théophile Kaboyi. Les députés ont visité des sites miniers du Nord et du Sud-Kivu, dans le but de contribuer à une conception efficace de l'initiative de l'UE. Dans les Kivus, la mission parlementaire a été organisée par la Conférence des évêques de la RDC sur les ressources naturelles.

Le message des évêques était clair: il y a des contradictions frappantes entre les mauvaises conditions humaines des populations de ces régions et les richesses minérales qui se trouvent sous le sol. La richesse des ressources naturelles dans la région n'a pas apporté de bénéfices pour le bien commun - au contraire, le commerce des minerais a nui et même pris des vies.

Sur le terrain, la majeure partie de l'activité minière consiste en une exploitation minière artisanale, principale source de moyens de subsistance et de développement local. Outre les violations des droits de l'homme imputables au contrôle du commerce des minerais par les groupes armés, le secteur est caractérisé par la prostitution et la violence sexuelle à l'égard des femmes, ainsi que par les familles abandonnées par les mineurs qui doivent travailler loin de leurs villages. Une forte demande des mineurs, de leurs épouses et des communautés locales concerne la formalisation et le «nettoyage» du secteur minier artisanal.

Dans le même temps, la loi Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act de 2010 aux États-Unis, avec sa disposition de l'article 1502 permettant aux entreprises publiques américaines de rendre compte de leur approvisionnement en minerais dans les zones touchées par le conflit, a conduit les entreprises à cesser effectivement d'acheter minéraux de cette région. Alors que l'Union européenne prépare sa propre initiative, les acteurs locaux demandent avant tout à l'Europe de contribuer à l'instauration de la paix et de la sécurité dans la région. Leur deuxième demande est de rouvrir l'accès au commerce international propre des minerais, afin de rétablir des prix équitables pour les minerais au profit des mineurs artisanaux, et de supprimer l'incitation par les prix à s'engager dans la contrebande de minerais.

Un groupe de 59 organisations non gouvernementales européennes et mondiales, dont la CIDSE, appelle la Commission européenne à adopter une législation obligeant les entités commerciales européennes à faire preuve de diligence raisonnable dans la chaîne d'approvisionnement afin de garantir qu'elles ne contribuent pas au financement des conflits ou aux violations des droits de l'homme en la production et le commerce des ressources naturelles. Pour la CIDSE, il s'agit de l'une des mesures essentielles à prendre par les États pour donner suite à leur approbation en 2011 des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (voir le briefing de la CIDSE,Diligence raisonnable en matière de droits de l'homme: mesures politiques pour une mise en œuvre efficace, Septembre 2013). Il devrait également s’inscrire dans une approche globale plus large comprenant des mesures visant à prévenir la destruction de l’environnement et les moyens de subsistance qui s’y rapportent, à renforcer la gouvernance et à encourager la réforme du secteur de la sécurité et de l’extraction minière dans les pays en développement riches en ressources.

Denise Auclair

Conseiller politique principal sur la politique de l'UE et les entreprises et les droits de l'homme

Article initialement publié dans EuropeInfos, Également disponible en français et Allemand

 

 

 

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