Financer le changement, changer la finance - CIDSE

Financer le changement, changer le financement

«L'accord d'Addis-Abeba doit remédier aux déséquilibres persistants du système mondial de gouvernance fiscale pour mettre fin à la vaste évasion fiscale qui prive les pays de milliards de dollars de recettes publiques chaque année ... Il doit également s'attaquer à la réglementation aléatoire des acteurs financiers et au contrôle minimal des marchés qui ont conduit à une augmentation des inégalités à travers le monde »

Les finances constituent un élément essentiel d'un ensemble de mesures habilitantes, notamment la cohérence des politiques de développement, la responsabilisation et des cadres participatifs pour soutenir la mise en œuvre du cadre post-2015 et des objectifs de développement durable (ODD). Les résultats de la troisième Conférence sur le financement du développement à Addis-Abeba joueront un rôle crucial dans la détermination de l'efficacité des accords conclus pour financer la mise en œuvre. Il sera utile que l'UE travaille de manière constructive pour parvenir à un accord multilatéral lors de la conférence d'Addis-Abeba qui s'appuie sur le consensus 2002 de Monterrey sur le financement du développement et la déclaration de Doha 2008 sur le financement du développement.

L'accord d'Addis-Abeba doit remédier aux déséquilibres persistants du système mondial de gouvernance fiscale afin de mettre un terme à la vaste fraude fiscale qui prive les pays de milliards de dollars de recettes publiques chaque année, sapant ainsi les efforts des États pour s'acquitter de leurs obligations internationales. Il doit également s'attaquer à la réglementation aléatoire des acteurs financiers et au contrôle minimal des marchés financiers, qui ont entraîné une augmentation des inégalités à travers le monde. Il doit définir des engagements concrets pour la mise en place de cadres institutionnels et réglementaires mondiaux afin de soutenir les actions menées au niveau national et transfrontalier afin de parvenir à la stabilité économique tout en réduisant les inégalités de revenus. Il doit prendre en charge la responsabilité du secteur financier en matière de prise de risque afin d'empêcher le transfert du risque sur le compte public, comme pendant la crise financière. Une attention particulière devrait être accordée à la responsabilité des investisseurs privés utilisant les finances publiques. Il doit indiquer clairement comment les impacts des investissements de portefeuille et des investissements directs étrangers (IDE) seront surveillés et s’accorder sur la mise en œuvre de sauvegardes sociales, économiques, culturelles et environnementales afin de maximiser leur impact positif et de réduire les risques associés à ces flux financiers. De même, les lacunes du régime actuel de gouvernance de la dette souveraine ad hoc devraient être corrigées une fois pour toutes. L'accord doit également définir des mesures concrètes visant à empêcher les pays de limiter leur capacité à respecter leurs obligations en matière de droits de l'homme et à susciter un large soutien multilatéral en faveur de règles relatives aux prêts et emprunts responsables.

Atteindre un consensus sur ces questions à Addis-Abeba est une condition préalable à l'accord de financement des ODD, qui doit faire partie du cadre post-2015 qui sera annoncé lors du Sommet des Nations Unies à New York en septembre. L'accord de financement des ODD doit être construit sur le principe de la responsabilité commune mais différenciée et du partage de la charge. L'approche paternaliste et charitable qui prévaut à l'égard du financement du développement doit être remplacée par la notion de partage équitable de la charge. Un tel modèle serait conforme aux obligations qui incombent aux États au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de "prendre des mesures, individuellement et par le biais de l'assistance et de la coopération internationales, en particulier dans les domaines économique et technique, dans la limite des ressources disponibles".

Le financement du développement est une question de solidarité. De nombreux pays ne seront pas en mesure de respecter les obligations et engagements découlant du nouveau cadre sans un financement extérieur prévisible respectant les normes les plus élevées d’efficacité en matière de développement. La solidarité internationale doit donc être considérée comme une obligation et requiert que les engagements visant à atteindre les objectifs de l'APD soient juridiquement contraignants. En plus d'atteindre les niveaux engagés d'APD, la qualité de l'aide - publique et privée - devrait être améliorée, en s'appuyant sur les engagements existants pour renforcer l'impact de l'aide au développement.

Certains principes de base doivent également être énoncés dans l’accord afin de garantir une efficacité maximale des mécanismes de financement pour la réalisation des objectifs:

  • Les actifs et les flux financiers doivent être visibles et transparents.
  • L'impact des différents types de flux financiers sur le développement durable devrait être évalué ex ante et correctement suivi ex post.
  • Les accords de supervision bancaire devraient prendre en compte les risques environnementaux et sociaux des activités financières, en intégrant systématiquement les clauses environnementales et sociales dans la future réglementation bancaire.
  • Les règles et normes internationales relatives aux droits de l'homme et à l'environnement devraient être intégrées aux critères d'investissement et de crédit. Cela devrait s’appliquer non seulement aux institutions financières publiques, mais également aux acteurs privés des marchés financiers.
  • Les principes et les pratiques de bonne gouvernance devraient s'appliquer à la politique financière. Les acteurs publics et privés du secteur financier devraient être tenus responsables de leurs actes.

Un consensus mondial pour orienter les financements vers le développement durable à Addis-Abeba, complété par un accord ambitieux sur le financement des objectifs de développement durable, est essentiel. Cela sera important pour déterminer si le cadre post-2015 et le nouvel accord mondial sur le climat sont réellement transformateurs. Plus important encore, cela aura des conséquences importantes sur la vie des personnes qui se voient systématiquement refuser leurs droits fondamentaux, qui vivent dans la pauvreté et qui sont structurellement exclues des cercles d’influence et de la prise de décisions.

Article posté par Amis de l'Europe à ce lien

Contact :
Jean Saldanha
Conseiller principal en politiques
saldanha (at) cidse.org 

 

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