Rencontre à l'intersection, discussion avec Jennifer Henry sur le Forum Social Mondial - CIDSE
Atelier Laudato Si '

Réunion à l'intersection, discussion avec Jennifer Henry sur le Forum social mondial

Atelier Laudato Si '

Jennifer Henry est directrice exécutive de KAIROS: Initiatives canadiennes pour la justice œcuménique. Elle a participé en tant que panéliste à l'atelier “Laudato Si'', un appel au changement ”co-organisé par la CIDSE, Développement et Paix et Franciscans International. A cette occasion, elle a réfléchi sur la place de la spiritualité et de la justice dans les débats du Forum social mondial et sur Laudato Si'dans le contexte canadien.

 

 

 

Pour moi, le Forum social mondial (FSM) a toujours été une réunion au carrefour. Les gens se rassemblent à travers différentes luttes, questions et contextes, non pour imposer l'unité, mais pour rechercher des synergies, des convergences et une compréhension. Le FSM aspire à être un échange dans et sur les biens communs mondiaux, où les valeurs peuvent être partagées mais la diversité des expériences et des compréhensions particulières est bien accueillie pour ce qu’elles ajoutent à un engagement et à une action approfondis.

KAIROS, en tant qu’organisation œcuménique canadienne pour la justice sociale, s’efforce de vivre aux intersections - entre dénominations, entre justice écologique et droits de la personne, entre églises et mouvements, entre le local et le global. Ainsi, lors du Forum social mondial, nous nous sommes sentis chez nous, non pas simplement parce que ce forum était littéralement dans notre pays d'origine, mais parce que nous pouvions nous associer à notre façon de travailler avec les autres. Nos contributions, ateliers, panels et colloques ont été caractérisés par la sensibilité de «l'extraction à la fois» et «à la source» et égalité des sexes, indigène et communautés de la diaspora, changement climatique et colonisation, extractivisme dans le nord et Sud.

Nous avons également été ravis de participer à une un événement organisé par la CIDSE, notre organisation membre, l’Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix et Franciscans International. Ce fut l'occasion de réfléchir à une autre intersection, celle du laïque et du sacré. Lors d'un panel sur Laudato Si ', les participants ont salué l'engagement papal en faveur de «l'écologie intégrale» en tant que dimension supplémentaire de l'intersection: un cadre permettant de prendre en compte simultanément les impacts sociaux, économiques et écologiques. Nous avons affirmé que ni la séparation ni le dualisme, mais l’interdépendance de toute vie, est le réseau sur lequel doivent reposer l’analyse et la stratégie, la vision et les relations, dans le souci constant d’une transformation inclusive. Les panélistes ont fait naître l'espoir d'une vision toujours plus large, notamment du renforcement de l'égalité des sexes en tant qu'élément essentiel de la «conversion écologique» que Laudato Si recherche.

Au sein d'un groupe d'experts mondial dynamique, notre contribution canadienne à l'encyclique provenait de notre profonde réflexion sur la colonisation, une entente catalysée par la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR). Ce processus, qui a été à la fois initié et éclairé par le leadership courageux des survivants, a révélé la vérité d'un processus de génocide culturel d'une année 150 lié aux pensionnats indiens pour enfants des Premières nations, inuits et métis. Au Canada, nous en sommes venus à comprendre que les pensionnats indiens n’étaient que l’un des aspects d’un héritage dévastateur de la colonisation, dont le but était de déposséder les peuples autochtones de leurs terres et d’éradiquer leurs cultures, leurs langues, leurs spiritualités et leurs nationalités. À tout le moins, ici au Canada, il est essentiel de voir en quoi la réconciliation avec la terre, qualifiée de «réconciliation avec la création» dans l'encyclique papale, est inextricablement liée à la réconciliation avec le peuple originel de la terre.

Partout dans le monde, nous voyons que la colonisation et l’exploitation de notre terre ne peuvent être séparées. Dans ce qui est aujourd'hui le Canada, les colons cherchaient des terres et des raisons de sécurité, déplaçaient les peuples autochtones et commençaient à prendre des mesures dépassant les limites de la Terre, telles que la récolte de fourrures, de buffles, de forêts et de morues. Notre crise actuelle liée aux combustibles fossiles concerne de plus en plus l'extraction non conventionnelle, qui met en péril la santé et les moyens de subsistance des communautés autochtones. À l'échelle mondiale, les intérêts miniers canadiens sont impliqués dans les dommages écologiques et, trop souvent, dans les dommages causés aux peuples autochtones. L’extractivisme agressif est néo-colonialiste.

Dans l'encyclique, le pape François rejette la théologie de la domination pour son rôle dans l'exploitation de la terre. Elle doit également être rejetée pour sa contribution à la subjugation des peuples autochtones dans le processus de colonisation. Il est important de reconnaître que certaines des valeurs fondamentales que l'encyclique affirme maintenant ont longtemps vécu dans les spiritualités et les pratiques autochtones. Et, parce qu'ils étaient perçus comme étant antagonistes du christianisme, ils ont été réprimés de manière agressive. Par exemple, dans le contexte canadien, le gouvernement a interdit les cérémonies spirituelles autochtones, comme la danse du soleil, tandis que les églises enseignaient aux enfants autochtones des pensionnats indiens que ces pratiques spirituelles étaient diaboliques. Nous pouvons maintenant reconnaître combien de perspectives autochtones variées sur la création sont prophétiques dans notre crise écologique actuelle. Le génocide culturel et l'écocide étaient aussi profondément enchevêtrés.

Laudato Si 'révèle puissamment une humanité à la croisée des chemins. Au lieu de continuer à suivre les voies économiques prédatrices sur la terre et qui ont abouti à l'exclusion et à des inégalités profondes, nous sommes invités à emprunter la voie de «l'écologie intégrale» qui sert le bien commun des hommes et de la planète. Nous sommes invités à affirmer les valeurs fondamentales d'interdépendance de toute vie, de solidarité intergénérationnelle et la valeur inhérente de tout ce qui est vivant, en cohérence avec la fidélité au Christ. Dans le contexte canadien au moins, notre réponse exige de l'humilité, reconnaissant le leadership des communautés autochtones qui tiennent ces valeurs de près depuis longtemps et qui s'efforcent de parcourir la planète en équilibre avec toute la création. Cela nécessite également le repentir, une reconnaissance explicite de la façon dont les approches euro-chrétiennes se sont empêtrées dans la colonisation pour supprimer les voies indigènes, y compris celles compatibles avec l'intégrité écologique. Laudato Si 'peut être entendu comme un appel à une profonde solidarité avec ceux dont la vie et les luttes, passées ou présentes, ont toujours montré un lien fort avec la terre.

Les conversations incluant la foi dans le FSM, y compris l'important processus du Forum mondial théologie et libération, soulignent l'une des intersections les plus vitales de toutes, celle de la spiritualité et de la justice. Quels que soient nos engagements - justice écologique, droits de l’homme, égalité économique - ou l’enchevêtrement persistant de l’un dans l’autre, les expressions de justice sont des expressions de fidélité. Les actes de solidarité avec la terre et tout le peuple de Dieu sont finalement une réponse de la plus profonde solidarité à Celui dont le rêve est toujours la vie en abondance et la relation juste. Les personnes de foi appartiennent aux mouvements de transformation et aux conversations vitales, telles que celles du Forum social mondial, qui renforcent notre détermination, approfondissent notre engagement et forgent de nouvelles compréhensions en vue de la transformation qui est notre espoir commun.

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