Le groupe d'experts de haut niveau (HLPE) du Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA) publie aujourd'hui son rapport sur les «Approches agroécologiques et autres innovations pour une agriculture durable et des systèmes alimentaires renforçant la sécurité alimentaire et la nutrition». Ce rapport sera discuté lors de la session plénière d’octobre du CSA et devrait conduire à l’adoption de recommandations en octobre 2020. Cela intervient à un moment crucial où l'agroécologie gagne clairement du terrain au niveau international; La FAO et l'IPBES ont récemment souligné le potentiel élevé de l'agroécologie pour atteindre respectivement les objectifs de développement durable, l'Accord de Paris et la Convention sur la diversité biologique. La CIDSE lutte depuis longtemps pour que l'agroécologie soit pleinement reconnue et soutenue par les gouvernements. À cet égard, la publication du HLPE s'ajoute à la profusion de rapports, d'études et d'initiatives demandant que l'agroécologie soit inscrite à l'agenda politique.
Nous sommes actuellement confrontés à des crises d'origine humaine diverses et se renforçant mutuellement (climat, biodiversité, faim, inégalités,…). Le récent rapport du GIEC sur 1.5 ° C et l'évaluation mondiale de l'IPBES sur la biodiversité ont tous deux mis en évidence l'urgence de transformer radicalement nos sociétés et notre agriculture. Un tel changement de paradigme est également nécessaire si nous envisageons sérieusement d'atteindre les objectifs fixés dans les objectifs de développement durable, car la faim est à nouveau en augmentation - le changement climatique jouant un rôle important dans cette perspective. Le rapport reconnaît ce contexte spécifique dans lequel nous évoluons actuellement et appelle à «une transformation profonde de notre système alimentaire».
Le rapport explore plusieurs approches susceptibles de contribuer à la transition nécessaire vers des systèmes alimentaires durables. Ce qui est intéressant, c’est que les auteurs ont regroupé les différentes approches analysées en deux groupes distincts: les approches agroécologiques et les approches d’intensification durable. Nous sommes heureux de constater que cet effort scientifique mondial a réussi à mettre en évidence les différences entre ces approches, ce que la CIDSE a répété et démontré ces dernières années. En effet, la CIDSE, avec de nombreuses autres organisations de la société civile et scientifiques, lutte depuis longtemps pour ne pas placer l'agriculture intelligente face au climat et l'intensification durable au même niveau que l'agroécologie.
Pour la CIDSE, il est tout à fait clair que l’intensification durable a un ordre du jour réformiste alors que l’agroécologie est transformationnelle. Il est clair pour nous que l'aggravation de la faim et des inégalités, l'urgence du climat et l'effondrement de la biodiversité ne peuvent être traités avec un agenda réformiste et une focalisation limitée sur l'augmentation de la productivité grâce à des gains d'efficacité. Le rapport souligne qu’il est «possible d’obtenir une efficacité élevée de l’utilisation des ressources tout en ayant une empreinte écologique négative», en appelant à «des pratiques régénératives plutôt que dégradantes» comme nouvelle norme.
Le rôle important de l’agroécologie pour les petits exploitants est également souligné dans le résumé: «Étant donné que de nombreux petits exploitants sont vulnérables à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition, les encourager, par le biais d’un soutien public approprié, à utiliser des méthodes agroécologiques aurait un double impact. FSN et transitions aux SFS simultanément ».
Le rapport du HLPE recommande de déplacer le soutien public vers «la transition vers des systèmes alimentaires diversifiés et résilients» et de s'attaquer aux «inégalités de pouvoir dans le système alimentaire» auxquelles l'agroécologie a largement contribué. Cela inclut la nécessité de:
- Réorienter les subventions qui bénéficient de pratiques non durables (qui pourraient inclure la suppression des subventions pour les intrants synthétiques),
- Promouvoir des alternatives à l'utilisation de produits chimiques,
- Explorer les moyens de conclure des accords commerciaux et des règles pour mieux soutenir les transitions vers une agriculture et des systèmes alimentaires plus durables,
- Reconnaître l'équité entre les sexes comme un moteur clé de l'agroécologie et d'autres approches innovantes et soutenir les politiques de transformation du genre…
Cela fait écho au travail récent de la CIDSE: la CIDSE a travaillé sur principes de l'agroécologie et un transition vers une agroécologie et des systèmes alimentaires durables qui nous permettrait d'atteindre l'objectif de 1.5 ° C. Le rapport HLPE reprend plusieurs des messages que nous avons partagés.
Comme le souligne souvent la CIDSE, une transformation du système alimentaire dans son ensemble est nécessaire à la fois dans le nord et dans le sud. Cela nécessite une approche intégrée et cohérente pour laquelle le rapport appelle également. La tâche qui nous attend est énorme, car la réforme du système actuel ne suffira pas. Il est clair pour nous que des choix politiques forts doivent être faits. Les gouvernements ne peuvent plus hésiter à placer l'agroécologie au centre des préoccupations, tant dans les politiques nationales qu'internationales.
Remarques
IPBES: Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques
GIEC: Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
FSN: Sécurité alimentaire et nutrition
SFS: Systèmes alimentaires durables
Avertissement :
Cet article est basé sur le résumé et les recommandations du rapport qui ont été publiés à la fin du mois de juin.
Contact: François Delvaux, chargé du climat, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (Delvaux (at) cidse.org)