Notre secrétaire générale, Josianne Gauthier, partage ici quelques réflexions sur les articles 101 et 104 de l'Instrumentum Laboris des Synode des évêques sur l'Amazonie: "Nouveaux chemins pour une écologie intégrale" sur la nécessité d'une conversion écologique intégrale, reconnaissant notre complicité avec les structures du péché, du colonialisme et de l'écocide. Elle attire également l'attention sur l'appel à la solidarité mondiale et à la responsabilité de l'Eglise de dénoncer les injustices, comme l'exprime très clairement l'article 146.
Je suis très reconnaissante d’être ici, de pouvoir faire entendre ma voix et d’avoir l’opportunité de vivre ce moment si important dans l’histoire de l’Église. Ce Synode sur l’Amazonie cherche à tracer de nouveaux chemins pour l’écologie intégrale, et force est de constater que par la participation et la présence d’une plus grande diversité de voix, nous voyons déjà ouvrir ces nouveaux chemins. Nous devons le célébrer.
Lorsque les peuples autochtones de mon pays prennent la parole, ils nomment d'abord leur clan et celui de leurs parents. Ainsi, nous savons qui parle. Je suis Josianne, fille de Paul et Sandralee, canadienne, avocate, catholique, une femme laïque, et mère de trois enfants. Je suis également issue du colonialisme.
Mes ancêtres ont quitté l’Europe pour s’installer au Canada et fuir la guerre et la faim, à la recherche d’une vie meilleure. Voici le récit louable de la migration courageuse de notre famille. J’ai été élevée avec des bonnes valeurs mais on ne m'a jamais enseigné ce qu'être colonisateur signifiait. Ce n'est que plus tard, beaucoup plus tard, que j'ai appris comment réconcilier ma belle vie avec la discrimination, l'indifférence et l'injustice systémique envers les peuples autochtones de mon propre pays. Je ne savais pas. Je ne voyais pas. Je ne voulais pas voir. Mais peu à peu, j’ai appris et commencé à désapprendre tout ce que je pensais savoir de mon pays et du colonialisme.
Le colonialisme n’est pas qu’un chapitre sombre dans l’histoire européenne ou mondiale, ou encore dans l’histoire de l’Église catholique… Il est toujours présent. Il est présent dans le modèle économique qui cherche la croissance et le profit au-dessus de la vie et la dignité, dans les systèmes injustes qui perpétuent l’inégalité, le racisme, le sexisme et la violence. On le trouve dans les économies extractivistes dont nous sommes si dépendants pour notre agriculture, nos moyens de transport, et pour satisfaire notre rythme insatiable de production et de consommation qui détruit présentement notre planète et menace les vies de ceux et celles qui tentent de protéger la terre.
Le colonialisme est présent dans nos politiques, dans la façon dont certains états permettent le pillage des ressources naturelles, et cèdent aux intérêts d’une infime minorité sans égard pour le bien-être du plus grand nombre.
Il est au cœur de nos vies quotidiennes, de notre mode de vie occidental si confortable. Nous vivons bien, très bien même, et cela aux dépens directs de notre terre et de nos frères et soeurs dans des territoires lointains comme l’Amazonie.
Je sais que tout ce que j’ai n’a pas été gagné ou mérité, mais volé et ceci est un péché et une injustice profonde. Mais que faire, une fois que j‘ai conscience de mon privilège, de mon pouvoir, de mon avantage supérieur dans la vie (et encore, je suis une femme… alors imaginez mes frères!)…
Nous avons une responsabilité collective pour notre maison commune. Nous devons agir. Il est temps de vivre une conversion, de se réconcilier et de réparer. L’heure de la solidarité et de la justice a sonné.
Nous devons dans une premier temps écouter - réellement entendre les cris de la Terre et de nos frères et sœurs de l’Amazonie. Nous devons reconnaître et comprendre comment nous avons un impact direct sur la vie en Amazonie et reconnaître aussi à quel point l’Amazonie est également source de vie pour nous tous et toutes.
À l’ Article 146 de l'Instrumentum Laboris (Document de travail), nous avons des suggestions très claires sur ce que nous pouvons et devons faire ensemble. Nous avons déjà notre plan de travail.
Nous devons dénoncer les modèles extractivistes, élever nos voix contre les projets qui sont porteurs de mort, mais aussi promouvoir et partager le savoir et la sagesse d’une autre manière de vivre, en plus grande harmonie avec la création, en vivant de manière plus écologique, au rythme de la terre et avec les ressources naturelles, en produisant et en consommant moins, et en réduisant le gaspillage et les déchets.
Enfin, nous devons aussi écouter les jeunes qui se mobilisent dans la rue et qui sont si déçus par nous en ce moment. Ils exigent qu’on prenne des mesures urgentes pour renverser la tendance. Ils nous rappellent qu’il s’agit également d’une question de justice intergénérationnelle. Nous leur sommes déjà redevables. Si nous continuons sur cette voie, que restera-t-il de la terre pour nos enfants?
Mes parents m’ont appris qu’être catholique signifie toujours promouvoir la justice, défendre ceux qui sont exclus ou maltraités. J’essaie à mon tour de transmettre cet enseignement à mes enfants. La situation dans le monde est pleine d’injustice et l’urgence de la crise écologique à laquelle nous faisons face est terrifiante.
Nous pourrions avoir peur de l’avenir et peut-être encore plus peur des changements profonds requis pour surmonter ces défis. Mais nous ne pouvons pas agir dans la peur. Je crois plutôt que nous devons toujours agir par Amour : Amour pour nos enfants, Amour pour nos frères et sœurs, Amour pour notre Terre Mère. Ce n’est qu’ainsi que nous trouverons le courage d’agir.