Le CCFD – Terre Solidaire et la lutte contre l’apartheid – CIDSE

Le CCFD – Terre Solidaire et la lutte contre l’apartheid

Le CCFD – Terre Solidaire de par son implication en France et par ses soutiens en Afrique du Sud a été l’un des acteurs de premier plan en France dans la lutte contre l’apartheid.

En 1990, Mgr Napier[i], (successeur de Mgr Hurley à a fois comme archevêque de Durban et président de la Conférence épiscopale) remercia – au nom de la conférence épiscopale sud-africaine –  le CCFD – Terre Solidaire pour son engagement contre l’apartheid.

Dès les années 70, le CCFD – Terre Solidaire décide de venir en aide aux associations sud-africaines locales qui se mobilisent contre la ségrégation dont sont victimes les populations noires et métisses.

Plusieurs évènements vont renforcer les convictions du CCFD – Terre Solidaire dans son soutiens aux mouvements de lutte contre l’apartheid :

  • En octobre 1974, la France avait utilisé son droit de véto pour s’opposer à l’expulsion de ce pays de l’Organisation des Nations Unies. En outre profitant de la décision britannique de ne plus livrer d’armes à l’Afrique du Sud, la France s’est emparée de ce marché et était devenue le principal fournisseur d’armes pour le régime d’apartheid[1]. Suite à l’interpellation de l’archevêque de Durban – Mgr Denis Hurley – le CCFD décide alors de mener des actions fortes d’information de l’opinion publique et de plaidoyer dans le but de faire changer la politique française vis-à-vis du régime d’apartheid sud-africain et de soutenir les organisations catholiques et chrétiennes sud-africaines mobilisées dans la lutte contre l’apartheid.
  • Les émeutes et les massacres de Soweto en juin 1976 marquent le tournant de l’engagement des Églises chrétiennes contre les politiques ségrégationnistes. Les organisations chrétiennes en Europe (dont le CCFD – Terre Solidaire) se mobilisent pour soutenir les actions des Eglises sud-africaines rassemblées au sein du Conseil Œcuménique d’Afrique du Sud (rassemblé en 1978 autour de Mgr Desmond Tutu et Mgr Hurley). En 1976, Mgr Hulrey créait à Durban le Diakonia Council of Churches (soutenu par le CCFD – Terre Solidaire jusque dans les années 2000) qui a apporté de nombreux appuis et soutiens aux militants anti-apartheid sud-africains.
  • A partir de 1983, de jeunes militants de Cape Town – rassemblée au sein d’une organisation Surplus People Project (le projet des laissés pour compte)  partenaire du CCFD – Terre Solidaire depuis 1988 – établissent un ensemble de rapports mettant en lumière la réalité des déplacements forcés des populations noires mis en œuvre par le régime de l’apartheid depuis 1960. 
  • En 1985, 151 théologiens et responsables des Eglises chrétiennes sud-africaines (dont Albert Nolan) publient le Kairos qui est un véritable cri d’alarme face aux exactions du régime et à la timidité des hiérarchies des Eglises Chrétiennes à se positionner. Le Kairos représente le document phare de la théologie contextuelle élaborée en Afrique du Sud depuis le début des années 80 (par entre autre Albert Nolan). Le Kairos a été traduit en français sur l’initiative du CCFD qui se chargea également de le diffuser dans les milieux chrétiens français.

Mgr Denis Hurley (1915-2004) a été sans aucun doute le principal Évêque catholique à se mobiliser dès 1951 contre l’apartheid (il a également été l’un des principaux artisans du Concile Vatican II).  Mgr Denis Hurley est à l’origine de la mobilisation du CCFD – Terre Solidaire contre l’apartheid et a été très proche du CCFD – Terre Solidaire. Jusqu’à son décès en 2004, le CCFD – Terre Solidaire a accompagné Mgr Hurley dans tous ses combats (lutte contre l’apartheid via la Commission sud-africaine Justice et Paix et Diakonia Council of Churches, engagement en faveur de plus de justice économique dans l’’Afrique du Sud post apartheid). Voir sa biographie écrite par celui qui a été son compagnon de route pendant toutes ces années « Guardian of the Light – Denis Hurley » by Paddy Kearney -2007 University of Kwazulu Natal Press

Jusqu’en 1990, l’action du CCFD portait sur :

  • Soutiens aux victimes de la répression : soutiens aux objecteurs de conscience blancs, aux squatters, aux militants étudiants recherchés. Nos principaux partenaires étaient la Commission Justice et Paix (Eglise Catholique), Diakonia Council of Churches à Durban, l’Action Catholique Ouvrière (MCW), Jeunesse Ouvrière Chrétienne (YCW),  (JOC), JEC, MATCH (ACE), l’’Institut pour la Théologie Contextuelle (Albert Nolan). A noter également des soutiens dans les camps de réfugiés situés dans les pays limitrophes de l’Afrique du Sud.
  • Soutiens aux organisations sud-africaines qui menaient des actions de plaidoyer en Afrique du Sud et dénonçaient le régime de l’apartheid (Commission Justice et Paix, Diakonia Councilf of Churches, l’’Institut pour la Théologie Contextuelle).
  • Réalisation d’actions de lobby et de plaidoyer en France (avec la CIMADE, le DEFAP, etc.) et en Europe (CIDSE par exemple). Par exemple, le CCFD – Terre Solidaire a soutenu la campagne initiée par la CIMADE de boycott des oranges « Outspan » (largement présente sur les étals des supermarchés français et européens, l’orange sud-africaine devient le symbole de l’exploitation des travailleurs noirs, et prôner son boycott sera le moyen symbolique de dénoncer, d’une part les relations commerciales liant des puissances européennes au régime de Pretoria, et d’autre part de manifester le rejet du système d’apartheid)
  • De nombreuses personnalités chrétiennes incarnant une mobilisation des Eglises contre l’apartheid ont été invitées au siège du CCFD – Terre Solidaire pour témoigner : Mgr Desmond Tutu (mai 1985), Mgr Denis Hulrey (à de nombreuses reprises depuis 1974), etc. Le CCFD – Terre Solidaire était également en lien avec Albert Nolan.
    • La réalisation de nombreux outils d’éducation au développement et de sensibilisation. Comme : 
      • Ø « Afrique du Sud : le droit de savoir. Opération Jeunes W 1982, dossier pour les jeunes de 15-17 ans », CCFD, octobre 1981.
      • En 1986, le CCFD produit et diffuse la vidéo d’un film documentaire intitulé Avoir 16 ans au pays de l’apartheid, réalisé par Claude Sauvageot et Chris Sheppard. Le film (d’une trentaine de minutes) s’articule autour d’une interview en parallèle de deux jeunes filles (l’une noire, l’autre blanche) et informe des réalités de l’apartheid et de ses conséquences sur la vie quotidienne et le devenir de ceux qui subissent ses lois discriminatoires

 Mais ce soutien du CCFD – Terre Solidaire aux mouvements anti apartheid ne fait pas l’unanimité au sein des publics catholiques. Ainsi même si la polémique orchestrée par le Figaro magazine en 1985-1986 visait plus particulièrement les engagements du CCFD – Terre Solidaire en Amérique Centrale et Latine, plusieurs articles du journal critiquaient les actions du CCFD – Terre Solidaire contre l’apartheid et le fait que le CCFD – Terre Solidaire ait invité en 1985 Mgr Desmond Tutu à venir témoigner. Ainsi pour Guillaume Maury (pseudonyme de Jean-Pierre Moreau) « L’évêques anglican, Mgr Tutu, est un grand ami du CCFD. Lorsqu’il a été invité pour les assises socialistes des droits de l’homme, c’est dans les locaux du CCFD qu’il a donné une conférence de presse. Comme à son habitude, il n’a cessé de vitupérer contre le gouvernement de la République sud-africaine. Il est un des champions du désinvestissement en Afrique du Sud pour résoudre les problèmes de l’apartheid par la disparition du régime de Pretoria »…Desmond Tutu conduit « une action révolutionnaire méthodique». Ce journaliste du Figaro-Magazine estime ainsi qu’en donnant la parole à Desmond Tutu, le CCFD se fait le « complice » de personnalités aux discours teintés de théorie marxiste. 

De 1990 à 1996 : le redéploiement

A la suite du discours de De Klerk devant le parlement (février 90) et la proclamation de l’indépendance de la Namibie (printemps 90) le CCFD opère une modification de son partenariat.  Les élections démocratiques d’avril 1994 ont eu des conséquences énormes sur la société civile sud-africaine. On assiste alors à un effondrement de nombre d’entre elles. En dehors du problème de financement et du tarissement de celui-ci, le nouveau pouvoir a également appelé nombre de responsable d’ONG ou de syndicats souvent favorables à l’ANC. Le CCFD – Terre Solidaire engage alors la fermeture de relations et l’ouverture de nouvelles afin de pouvoir se mobiliser sur les enjeux de la nouvelle Afrique du Sud. Nous aidons certaines associations (comme SPP) à passer de la résistance au développement. A partir de 1996, la décision est prise de réduire le budget sur l’Afrique du Sud pour le redéployer vers les autres pays de l’Afrique Australe comme le Mozambique.

Depuis, notre soutien en Afrique du Sud est orienté autour des enjeux de discrimination et d’exclusion (enjeux fonciers pour les populations noires anciennement spoliées par l’apartheid, réfugiés, séropositifs, etc.) et en faveurs d’alternatives économiques et de développement agricole.


[1] « La France et l’apartheid – Documents sur la commission d’enquête sur l’apartheid en Afrique du Sud » – Editions l’Harmattan et Edictions Droits et Liberté – 1979.



[i] A noter que Mgr Napier  est maintenant souvent critiqué en Afrique du Sud par ses positions conservatrices.

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