Déclaration de la conférence d’Abidjan – CIDSE
Credit: CIDSE

Déclaration de la conférence d’Abidjan

Credit: CIDSE

« Accaparement des terres en Afrique francophone : identifier et promouvoir les solutions endogènes pour s’en sortir », Déclaration de la « Conférence Régionale Afrique Francophone ». Abidjan, 21-23 Novembre 2017

« Dieu créa les cieux et la terre. Le Seigneur Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » (Gn1,1 ;2,15)

English translation available (see below in attachment)

 

En créant le ciel et la terre Dieu a voulu que l’homme puisse travailler la terre pour le bien de tous. Mais poussé par l’égoïsme, il tomba dans le péché de l’accaparement et toutes les conséquences qui s’en suivent.

En nous appuyant sur la parole de Dieu et l’enseignement du Pape François sur l’Environnement dans la Lettre Encyclique Laudato Si’ (LS), et faisant suite à la conférence continentale sur l’accaparement des terres qui s’est tenue à Limuru, au Kenya, en novembre 2015,

Nous archevêques, Evêques, prêtres, religieux et religieuses, Imams, chefs coutumiers, chef de village, agents pastoraux et acteurs de la société civile, les organisations partenaires réunit en conférence régionale Afrique francophone sur le thème « Accaparement des terres en Afrique francophone : identifier et promouvoir les solutions endogènes pour s’en sortir » déclarons ce qui suit :

La Terre c’est la vie. L’Accaparement des Terres est un phénomène grave qui interpelle toute conscience.

Les crises alimentaire, énergétique et financière des années 2000 ont accéléré l’afflux massif des investissements de capitaux dans les biens fonciers, considéré comme actif financier et marchandise, provoquant une grande vague sans précédent d’accaparement des terres en Afrique.

Cet accaparement est dissimulé sous le couvert des expressions de « croissance économique », « développement », « sécurité alimentaire » pour l’Afrique. En réalité c’est une voie ouverte aux compagnies ou institutions locales, nationales, internationales qui se servent des autorités coutumières, religieuses, militaires, politiques et les élites politico-administratives des nations africaines pour perpétuer les modèles économiques orientés vers l’accaparement des terres, des eaux et des ressources naturelles africaines.

L’accaparement des terres aggrave le fossé entre les pauvres et les riches en Afrique où des millions de personnes dont l’existence est liée aux ressources naturelles y compris la terre et l’eau ne disposent pas du minimum pour mener une vie décente. Les guerres et les conflits fréquents en Afrique, le terrorisme, l’exode rural, les déplacements forcés, les migrations internes et internationales ainsi que les espaces de plus en plus restreints pour la société civile sont des effets pervers de ce système. Malheureusement, cet état de fait devient une donne récurrente qui engendre le péché de l’indifférence (Cf.LS,14) alors que les victimes sont des êtres humains comme chacun de nous et non de simples données statistiques.

Nous constatons que toutes ces menaces à la vie sont persistantes et vont à l’encontre des besoins fondamentaux de l’humanité, des droits humains internationalement reconnus et des valeurs religieuses, évangéliques, sociales et culturelles africaines.

Au vue de tout ce qui précède nous déclarons:

  1. L’eau, les semences et notamment la terre ne sont pas et ne devraient pas être une marchandise. La terre est notre mère (Cf. LS,1).
  2. La notion de « mise en valeur de la terre » doit être fondamentalement revue pour intégrer les dimensions environnementales, traditionnelles, spirituelles et sociales africaines. L’existence humaine va au delà des chiffres ou de la finance!
  3. Il est urgent d’arrêter l’accaparement des terres sous toutes ses formes en Afrique.
  4. Nous sommes solidaires des familles et des communautés touchées par cette menace et qui luttent contre la prise de contrôle de leurs terres et de leurs ressources, en particulier celles qui ont perdu des proches, et les militants des droits fonciers qui sont constamment persécutés.
  5. Nous condamnons la criminalisation, les arrestations, les emprisonnements, la persécution et les assassinats des victimes d’accaprement des terres, des militants et des défenseurs des droits fonciers. Nous rassurons les victimes qu’elles ne sont pas seules dans leur lutte et nous nous engageons à nous servir de toutes les procédures légales disponibles pour les encourager et les soutenir dans leur noble lutte.
  6. Nous nous engageons à faire poursuivre l’étude et la mise en œuvre des accords commerciaux, des programmes de sécurité alimentaire, des investissements économiques et des programmes de développement d’une part proposés à l’Afrique par les institutions financières internationales, d’autre part élaborés par nos Etats Africains.
  7. Nous demandons aux Gouvernements africains d’assurer la mise en œuvre effective des «Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers» (VGGT) ainsi que du « Cadre et lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique » (CLDPFA) dans leur pays tout en respectant les principes de la souveraineté alimentaire.
  8. Les réformes foncières en cours dans les pays doivent être transparentes, inclusives, participatives, consensuelles et centrées sur la personne humaine et le bien commun. (Cf.LS,183)
  9. Nous invitons les Conférences Episcopales Nationales et Régionales à être plus proactives dans leur engagement par rapport aux questions foncières. Elles veilleront à créer un espace d’information, de formation et de plaidoyer en collaboration avec les Organisations de la Société Civile et toutes les personnes de bonne volonté pour la protection de notre maison commune, la terre (Cf.LS,13). Car, comme le dit un proverbe africain: « Quand les araignées unissent leurs toiles, elles peuvent attacher un lion ».

La similitude des expériences d’expropriation et de spoliation nous amène à reconnaitre que la convergence de nos actions et de nos stratégies contribuera à faire sortir l’Afrique de ce grand mal.

La terre appartient à Dieu. Nous nous confions tous à la Providence divine qui ne se trompe jamais en ses desseins. Puisse-t-Elle accompagner les uns et les autres dans la recherche de la justice, de la paix et du respect des droits de l’Homme et du Bien Commun.

Abidjan, le 23 novembre 2017

 

Signatures:

  1. ADEPA (Association Ouest Africaine pour le Développement de la Pêche Artisanale)
  2. AEFJN (Africa Europe Faith and Justice Network)
  3. AEFJN Central Africa (Africa Europe Faith and Justice Network)
  4. AEFJN (Congrégation la Xavière)
  5. AFJN (African Faith and Justice Network)
  6. AFSA (Alliance for Food Sovereignty in Africa)
  7. Association Foi et Justice Côte d’Ivoire
  8. ASNGA (Association Ngaoubourandi)
  9. Bddl/lshi (Bureau Diocésain de Développement de l’Archidiocèse de Lubumbashi, RDC)
  10. BIMTT (Birao Ifandraisan’ny Mpampiofana eo anivon’ny Tontolon’ny Tantsaha)
  11. CAFOD
  12. Caritas Côte d’Ivoire
  13. Caritas Ghana
  14. Caritas Guinée
  15. Caritas Sénégal
  16. CECCI (Conférence des Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire)
  17. CEB (Conférence Episcopale du Bénin)
  18. CERAO/RECOWA (Conférence Episcopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest)
  19. CCFD – Terre Solidaire
  20. Conférence Episcopale Inter territoriale Burkina-Niger
  21. Conférence Episcopale du Cameroun
  22. Conférence Episcopale du Gabon
  23. Conférence Episcopale du Nigéria
  24. Conférence Episcopale du Togo
  25. CIKOD (Center for Indigenous Knowledge and Organisational Development)
  26. CERAP (Centre de Recherche et d’Action pour la Paix)
  27. CGLTE (Convergence Globale des Luttes pour la Terre et l’Eau)
  28. CICODEV Afrique (Institut Panafricain pour la Citoyenneté, les Consommateurs et le Développement)
  29. CIDSE (international alliance of Catholic development organizations in Europe and North America)
  30. Collectif pour la défense des terres Malgaches – Tany
  31. Commission Episcopale Justice et Paix/Burkina-Niger
  32. Commission Justice et Paix Sénégal
  33. Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH/RDC – Représentation Bureau provincial du Haut-Katanga, Lubumbashi)
  34. CENJP (Commission Episcopale Nationale Justice et Paix Togo)
  35. CMAT (Convergence Malienne contre les Accaparements des Terres)
  36. COPAGEN (Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain)
  37. CRAAD-OI
  38. CVJR (Commission Justice Vérité et Réconciliation)
  39. DKA Austria
  40. ECAR Projet Vahatra diocèse de Tsiroanomandidy
  41. ENDA-Pronat (Environnement Développement Action pour la Protection Naturelle des Terroirs)
  42. Entraide et Fraternité
  43. FOCSIV
  44. Forum Civil
  45. Floraison
  46. FENASCOVICI (Fédération Nationale des Sociétés Coopératives de Vivriers de Côte d’Ivoire)
  47. FVTM (Fédérations des femmes Rurales de Madagascar)
  48. GRAIN
  49. INADES Formation Côte d’Ivoire
  50. INADES Formation – Régional (Institut Africain pour le Développement Economique et social)
  51. Jeunes Volontaires pour l’Environnement Côte d’Ivoire (JVE-CI)
  52. Initiatives pour le développement communautaire et la conservation de la Forêt (IDEF)
  53. Eburnie To Day
  54. Les communautés du Royaume Andoh (chef lieu de Famienkro)
  55. Juste et Paix Côte d’Ivoire
  56. Justice & Paix N’djamena
  57. Justice Pour Tous
  58. MISEREOR
  59. RAIDH (Regroupement des Acteurs Ivoiriens des Droits Humains)
  60. Réseau Afrique-Europe Foi et Justice Cameroun
  61. Réseau SOA (Syndicat des Organisations Agricoles)
  62. SCEAM/SECAM (Symposium des Conférences Episcopales d’Afrique et de Madagascar)
  63. SYNPA (Synergie Paysanne)
  64. Terre A Vie
  65. YVE (Youth Volunteers for the Environment) Ghana

FR-Déclaration de la conférence d’Abidjan
EN-Abidjan conference statement

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